Démocratie en Afrique : les ex-colonies allemandes rament à contre-courant

Le vent de l’ère démocratique, soufflé en Afrique francophone dans les années 90, a visiblement un lointain souvenir. Car la démocratie,  tant souhaitée par les peuples d’Afrique en quête de liberté, a du mal à s’enraciner particulièrement en Afrique francophone. Le Togo et le Cameroun; ces ex-colonies allemandes  peinent à instaurer ce modèle de gouvernance qui séduit le monde entier.

 

Quand on évoque l’histoire politique du Togo, on a en mémoire le premier coup d’État en Afrique. Le 13 janvier 1963, le père de l’indépendance du Togo ; Sylvanus Olympio, est froidement abattu par un commando conduit par le Général Gnassingbé Eyadema. Ce dernier prendra ainsi les rênes du pays  qu’il dirigera d’une main de fer jusqu’à  sa mort en 2005. Son fils, Faure Gnassingbé le succède la même année, après  des élections contestées puis sévèrement réprimées par des soldats au service d’une dynastie cinquantenaire. Des élections qui coûteront la vie à plus de 500 togolais selon un rapport les nations unies et 1 500 selon les leaders Pro Démocratie du Togo. Malgré les condamnations de la communauté internationale, Faure Gnassingbé va accentuer la pression  sur les leaders Pro Démocratie déterminés à en finir avec un régime dictatorial cinquantenaire. Fermeture des medias, falsification du rapport de la commission nationale des droits de l’homme, arrestation et torture des leaders ProDémocratie,  tout est mise en œuvre par Faure Gnassingbé pour étouffer dans l’œuf toutes formes de contestations. Pour briguer un troisième mandat présidentiel Faure Gnassingbé va, avec l’aide d’un parlement acquis à sa cause, modifier la constitution le 8 mai 2019.Une énième élection contestée par les leaders ProDémocratie affaiblis par des querelles intestines  et remis en cause par les Etats-Unis. « Les États-Unis d’Amérique restent préoccupés par les efforts d’observation limités, notamment la décision décevante de la CENI de révoquer l’accréditation d’une organisation de la société civile neutre accompagnée par les États-Unis en vue d’observer le processus électoral. » Stipule le communiqué de l’ambassade des Etats-Unis au Togo rendu public 27 février, 2020 quelques jours seulement après la proclamation des résultats  provisoires de la présidentielle du 22 février 2020.Malgré ces interpellations, le régime de Lomé va privilégier les anciennes méthodes .Le principal leader ProDémocratie du Togo, Agbeyomé kodjo et certains  de ses proches feront l’objet d’arrestation  avant d’être contraints à l’exil. Les medias vont  pour leur part être suspendus, les journalistes assignés en justice et les activistes traqués sur les réseaux sociaux. Une situation presque similaire au Cameroun ; pays ayant la même histoire coloniale  que le Togo.

 

Le Cameroun n’est pas prêt 

 

Tout comme au Togo, la démocratie a vu le jour au Cameroun dans les années 90.Une époque particulière, marquée par le foisonnement de partis politiques. C’est ainsi que le Social Democratic Front (SDF) de John fru Ndi va essayer de renverser le Rassemblement démocratique du peuple Camerounais(RDPC)  de Paul Biya, grâce à une série de jeux d’alliance avec les autres partis ProDémocratie. Une alliance qui ne va pas laisser indifférent Paul Biya. En guise de riposte le président va suspendre le processus électoral en cours. La presse très critique va se voir imposer la censure. Les leaders ProDémocratie vont par la suite réagir en lançant une grande campagne de désobéissance civile. Le président  Paul Biya sentant l’étau se resserrer autour de lui, va imposer la loi martiale dans les dix provinces, nommer sept nouveaux commandements militaires, renforcer le pouvoir de la police secrète, fermer l’université de Yaoundé et afin interdire toutes manifestations estudiantines. Face à ces mesures, les condamnations vont pleuvoir de partout. Acculé, le président Paul Biya signe un accord avec certains partis ProDémocratie. Il va ensuite organiser deux ans plus tard les législatives puis la présidentielle. Des élections qu’il remportera grâce à la Fraude selon ses détracteurs. Après cette victoire obtenue à la Pyrrhus, Paul Biya va tirer les leçons de cette amère expérience et asseoir définitivement son pouvoir jusqu’à ce jour. Les élections présidentielles qui ont succédé à celles de 1992 (1997, 2004, 2011) ont été toutes remportées sans difficultés par Paul Biya. Ces élections furent l’objet de vives contestations  des leaders Pro Démocratie et de la communauté internationale

En 2018 le même scénario se répète. Les Camerounais sont à nouveau  appelés aux urnes pour choisir leur nouveau président. neuf candidats sont en lice parmi lesquels : Paul Biya du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais(RDPC),  Maurice Kamto du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Joshua Osih du Social Democratic Front (SDF),  Akere Muna du Front populaire pour le développement (FPD),Garga Haman Adji de l’ Alliance pour la démocratie et pour le développement (ADD) Adamou ndam Njoya de l’Union démocratique du Cameroun (UDC) ,Cabral Libii du parti Univers,  Serge Espoir Matomba du Peuple uni pour la rénovation sociale(PURS) et le pasteur Ndjfor Afanwi Franklin du Mouvement citoyen national du Cameroun (MCNC) .Les sondages annoncent un duel au deuxième tour entre Paul Biya, le président sortant et son ex ministre délégué auprès du ministre de la justice garde des sceaux,  Maurice Kamto. Mais les résultats définitifs vont déjouer tous les pronostics. Le Conseil Constitutionnel, organe dirigé par un Clément Atangana, membre du parti au pouvoir,annonce Paul Biya vainqueur dès le premier tour avec 71,28% des suffrages, contre 14,23% pour son adversaire le Professeur Maurice Kamto. La proclamation de la victoire du Président Paul Biya va une fois encore être contestée par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun du leader ProDémocratie, Maurice Kamto. Ce dernier va organiser des marches pacifiques qui seront par la suite sévèrement réprimées par des policiers aux ordres du régime de Biya. Dans la foulée, le Professeur Maurice Kamto va être emprisonné avec quelques-uns de ses fidèles. Selon plusieurs leaders ProDémocratie camerounais et étrangers, Paul Biya et ses proches ont usé des méthodes anti-démocratiques pour s’accrocher au pouvoir tels : la Fraude électorale, l’achat de conscience, les intimidations des leaders ProDémocratie et l’emprisonnement des journalistes. À cela viennent s’ajouter le népotisme, le clientélisme ou encore le détournement des deniers publics. Des maux qui gangrènent la société camerounaise et qui sont, selon les détracteurs de Paul Biya, à l’origine de la crise anglophone qui s’est muée aujourd’hui en un conflit asymétrique aux relents sécessionnistes. 

 

Daniel Addeh