Sous un soleil de plomb, Awade Solim arrose son champ de carottes et de laitues. Dans cette intense chaleur, la veuve de 44 ans transpire à un tel point que ses vêtements sont trempés. Mais elle brave la chaleur six jours par semaine pour s’occuper de ses cultures.
Mme Solim cultive à Akodessewa, un quartier situé en périphérie est de Lomé, la capitale du Togo. Elle passe de longues journées à bêcher, arroser et désherber, tout en gardant un œil sur les plantes prêtes à être récoltées. Elle dit : « Je viens souvent très tôt pour effectuer le maximum de travail avant que le soleil se lève. Car à partir de dix heures, il fait trop chaud pour effectuer une grande partie du travail. »
Mme Solim s’est lancée dans maraîchage il y a seulement trois ans, après le décès de son mari. Avant, elle gagnait sa vie en revendant de pagnes, mais a tout perdu après son décès. Elle affirme que sa vie est devenue un enfer.
Elle explique : « À la mort de mon mari, ma belle-famille m’a obligée à me rendre dans notre village, à plus de 80 kilomètres de Lomé pour effectuer les rites du veuvage. Une fois la cérémonie de veuvage terminée, mon beau-frère et mes belles sœurs sont venus prendre tout de que mon mari et moi avions acquis pendant toute une vie : notre maison, nos appareils électroménagers, nos motos, vraiment tout. C’est ainsi que je me suis retrouvée dans la rue avec mes deux filles, âgées de 15 et 19 ans. »
Mais, Mme Solim n’a pas renoncé à se battre. C’est ainsi qu’elle décida de se lancer en agriculture. Elle ne savait rien de ce domaine. Par conséquent, elle a dû effectuer un « stage » de plusieurs semaines dans le champ d’une amie pour apprendre les techniques de maraîchage rudimentaires. Une fois qu’elle eut suffisamment confiance en elle-même, elle contracta un prêt de 300 000 francs CFA [600 $US], et loua un terrain d’un hectare.
Son amie, Ayawa Akakpo, lui a appris tout ce qu’elle pouvait. Cela fait sept ans que Mme Akakpo fait du maraîchage, aussi peut-elle apprécier les efforts consentis par Mme Solim pour son travail. Elle déclare : « Je suis émerveillée par [Mme Solim]. Il y a trois ans, elle ne savait rien, mais regardez son champ. » Tout en riant, Mme Akakpo déclare : « Elle est devenue une sérieuse concurrente maintenant. »
Mme Solim a tenté en vain de récupérer ces biens. La législation togolaise pas le droit à l’héritage aux veuves et aux enfants, et ce, malgré les nombreuses actions menées par les organisations de défense des droits des femmes pour changer cette loi.
Plusieurs organisations ont été créées pour contester les politiques nationales et soutenir les femmes et les enfants concernés. C’est notamment le cas du Fonds d’aide aux veuves et aux orphelins, le FONDAVO. Depuis sa création, il y a bientôt 4 ans, le FONDAVO travaille avec plus de 300 veuves.
Le Dr Charles Birregah est le fondateur de cette ONG. Il déclare : « La situation des veuves au Togo est très préoccupante. À la mort de leurs époux, la plupart d’entre elles sont dépouillées de leurs biens et sont souvent obligées de se soumettre à des rites humiliants [associés au] veuvage. »
Mme Solim fait partie des rares femmes qui, grâce aux activités champêtres, a retrouvé un moyen pour gagner sa vie, même si elle n’a pas pu reprendre ses biens. Mme Solim explique son succès par le courage et surtout la détermination qu’elle avait au départ pour sortir de sa situation de précarité.
Maintenant, les activités agricoles lui rapportent suffisamment d’argent pour envoyer ses enfants à l’école et par ailleurs subvenir aux besoins de sa famille. Elle a l’intention de louer plus de terres, sur lesquelles elle cultivera du piment et d’autres légumes. Il lui faudra prendre un autre prêt, mais elle dit que les bénéfices engendrés en valent le coup.