«Je fume depuis un an, quand je suis avec les amis, le plus souvent quand nous sommes dans des bistros ou dans des boîtes de nuit, car mes parents me tueraient s’ils me voyaient fumer », confie Eloge, jeune lycéen de 17 ans environ, rencontré dans un bar au Carrefour Y, une des principales places animées de la commune de Golfe 5.
De nombreux jeunes font de même, essentiellement des garçons. Seules quelques filles de joie fument dans les boîtes de nuit pour séduire les hommes. Les parents considèrent les jeunes qui tirent sur les cigarettes comme des voyous, des enfants sans éducation. Jusqu’il y a environ dix ans, on ne voyait fumer que des personnes âgées. «Selon la tradition, seuls les vieux pouvaient fumer. Un vieux avec sa pipe, c’était un signe de sagesse. Dans notre culture, un enfant ne peut pas fumer, mais à présent on les voit faire, même les filles. C’est une dépravation des mœurs», estime un homme d’une cinquantaine d’années rencontré sur cette même place. Beaucoup pensent que ce changement de comportement vient de la multiplication, ces dernières années, des bistros et des boîtes de nuit de plus en plus fréquentés par les jeunes.
Pour avoir l’air branché, ce dernier temps, ils sont de plus en plus jeunes – dès 15 ans- à se mettre au tabac. On les voit là où ils estiment être loin de la vue de leurs proches. Certains étudiants fument dans les établissements scolaires. La plupart de ces jeunes prennent des cigarettes sans savoir vraiment pourquoi. Pour la majorité, c’est pour faire comme les autres et se donner l’apparence d’un jeune branché, à la page, au diapason de ce qui se fait dans le reste du monde.
«Je voyais toujours des gens fumer à la télé, souvent même des stars et un jour je me promenais
avec un voisin et son cousin fumeur et j’ai vu que c’était un super look » raconte un jeune homme. «Je fume depuis le début de l’année académique : ça fait presque cinq mois, explique aussi Manu, un jeune étudiant. On buvait avec des amis, certains fumaient. Puis un jour, j’ai essayé et j’ai trouvé cela pas mal. Je ne sais pas encore quand, mais c’est sûr qu’un jour j’arrêterai».
Acheter des cigarettes coûte cher et tous ne peuvent pas le faire. «J’ai fumé pendant deux ans
quand j’étais encore étudiant. Je profitais des frais académiques que les parents me donnaient
pour boire et fumer. Cela fait deux ans que j’ai fini les études et je n’ai pas de travail, raconte Dénis, un garçon de 28 ans. Si j’attrape quelques francs je peux seulement boire, mais plus fumer. Car pour la cigarette seule, je gaspillais près de 2 000FCFA par jour».
La majorité reconnaît qu’elle ne fume pas chaque jour à cause du prix des cigarettes. Certains économisent de l’argent toute la semaine pour fumer le week-end quand ils sortent avec les amis. Les médecins mettent en garde les fumeurs qui s’exposent à de graves maladies, surtout ceux qui fument tant de cigarettes qu’ils ne les comptent même pas. «La cigarette peut causer la pneumonie et le cancer des poumons, chez ceux qui fument sans modération et se nourrissent mal», rappelle Léon Akpogan, médecin.
Mais cette menace ne semble pas préoccuper grand monde. Lors de la restitution des résultats d’une enquête de l’Association Recherche Action Prévention et Accompagnement des Addictions (RAAPA) , sous le thème «L’école sans la drogue», il a été révélé que le fléau de la consommation de substances psychoactives touche de plus en plus le milieu scolaire au Togo. Environ sept cent cinquante élèves des classes de cinquième et de première, ont fait l’objet de cette enquête menée de janvier à juin. Les résultats montrent que 89% des élèves ne savent pas ce qu’on appelle substances psychoactives de même 90% n’ont aucune idée de la notion d’addiction. Sur 680 apprenants interrogés, 25% disent que le tabac n’est pas une drogue. Quant à l’alcool, 62% de 585 élèves ne le considèrent pas comme une drogue. Une grande partie de ces mêmes élèves pensent également que les calmants, stimulants et hallucinogènes ne sont pas psychoactifs. De même 58% estiment que le cannabis n’est pas une drogue et presque le même pourcentage croit qu’il n’est pas dangereux pour la santé.
Etonam S