Togo/Electricité: forces et faiblesses du secteur privé

Dans le cadre de la phase 1 du Programme d’Appui au Secteur de l’Énergie au Togo (PASET I) l’association Energy Generation a réalisé une étude sur les forces et les faiblesses du secteur privé dans le domaine de l’énergie au Togo. Objectif, documenter les freins et les leviers de l’implication du secteur privé dans le secteur énergétique national et proposer des pistes de solutions afin de dynamiser le secteur.
Le Programme d’Appui au Secteur de l’Energie au Togo (PASET) s’inscrit dans la mise en œuvre du troisième secteur de concentration du Programme Indicatif national du 11ème Fonds Européen de Développement (FED). Dans ce cadre L’organisation Energy Generation a été mandatée pour la réalisation de cette étude. L’objectif de l’étude est de documenter les freins et les leviers de l’implication du secteur privé dans le secteur énergétique national et de proposer des pistes de solutions afin de dynamiser le secteur. Energy Generation a donc passé en revue tous les segments de la chaîne de valeur de l’électricité au Togo a été réalisée, de la production à la commercialisation en passant par les activités d’achat, d’importation, d’exportation, de transport ou encore de distribution.
Pour chaque segment, un état des lieux est fait sur le cadre réglementaire, les principales activités et les chantiers stratégiques. Les acteurs publics et privés mobilisés sur ces activités sont cartographiés et les différentes modalités
d’intervention de ces acteurs sont étudiées. Enfin, les difficultés rencontrées par ces acteurs ainsi que des recommandations de mesures d’appui sont présentées.
Activités de transport, achat, distribution et commercialisation d’électricité
L’Etude sur les forces et les faiblesses du secteur privé dans le domaine de l’énergie au Togo indique qu’historiquement, les secteurs du transport, de l’achat, de la distribution et de la commercialisation sont sous monopole public. Néanmoins, la situation est en train d’évoluer avec l’ouverture récente de l’achat à la concurrence – mais qui n’est pas encore effective. Les principaux chantiers à venir sur ces activités sont la mise en place d’un marché de l’énergie et l’extension du réseau de distribution annoncé dans la stratégie d’électrification (2018). Du fait de la situation de monopole, les acteurs privés sont mobilisés en tant que sous-traitants des opérateurs publics (CEB et CEET) principalement sur des activités de conception et construction des infrastructures. Les entreprises qui se positionnent sur ces marchés sont principalement des multinationales étrangères. Les acteurs privés togolais sont assez peu nombreux et interviennent principalement sur les activités de distribution. La CEB et la CEET ne relèvent pas de difficultés majeures avec ces acteurs.
Activités de production centralisée d’électricité
Le rapport souligne que le marché de la production a été ouvert à la concurrence en 2003. Un seul projet d’IPP –
Independant Power Producer – a été mis en place au Togo avec la centrale thermique de 100 MW de ContourGlobal
mise en service en 2010. Les acteurs qui exploitent actuellement les autres centrales de production connectées au réseau sont les deux opérateurs publics historiques (CEB et CEET). Sur ce secteur de la production centralisée, les
acteurs privés sont mobilisés en tant que concessionnaires, constructeurs, sous-traitants pour la construction, soustraitants de façon ponctuelle pour l’exploitation et la maintenance. Il est prévu une augmentation des capacités
de production d’électricité au Togo avec plusieurs projets de centrales thermiques, solaires photovoltaïques ou hydrauliques actés ou en cours de montage. La majorité de ces projets seront développés sous la forme de partenariats public-privé. Les concessionnaires de ces centrales au Togo et en Afrique de l’Ouest sont majoritairement des multinationales étrangères. La réussite de ces projets repose principalement sur la mise en place d’un cadre réglementaire clair et incitatif et, si nécessaire, sur les garanties apportées par l’Etat pour le respect des engagements pris, notamment au regard de l’achat de l’électricité par l’opérateur public national. Une implication forte du gouvernement dans le développement de projets en partenariat publicprivé facilite grandement le financement de ce type de projet dont l’envergure nécessite souvent l’implication d’institutions de financement
internationales. Les autres acteurs privés (hors bailleurs, constructeurs et concessionnaires) sont mobilisés en
tant que sous-traitants des opérateurs publics et privés.
Ces sous-traitants sont majoritairement des entreprises togolaises sauf pour des activités spécifiques non couvertes par des acteurs locaux. Ces acteurs privés togolais pourraient être appuyés pour progresser sur le respect des
normes internationales de Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement et pour monter en compétences sur la planification des activités. Ces entreprises présentent également des capacités financières assez fragiles, ce qui peut perturber les activités de sous-traitance.
Activités de production décentralisée d’électricité
Les activités de production décentralisée sont divisées en trois sous-secteurs à savoir, l’autoproduction « grande
capacité » désigne les activités de production d’électricité avec des puissances installées supérieures à 500 kVA, souvent pour des complexes industriels (agro-alimentaires et chimiques). Ces dispositifs d’autoproduction
sont principalement thermiques au Togo. L’autoproduction « faible capacité » pour les particuliers pour un
usage domestique et pour des structures privées, publiques, associatives ou communautaires pour un petit usage
productif. Ces dispositifs d’autoproduction sont principalement thermiques et solaires photovoltaïques, avec
une forte augmentation des dispositifs solaires photovoltaïques ces dernières années.
La stratégie nationale d’électrification prévoit notamment le déploiement de 555 000 kits solaires pour assurer l’accès à l’électricité à des particuliers notamment via le programme CIZO. Le marché de l’autoproduction « faible
capacité » à partir d’énergie solaire photovoltaïque est un marché sur lequel de nombreux acteurs se positionnent
: principalement des petites et moyennes entreprises togolaises ou ouest-africaines, des acteurs togolais informels, et plus récemment des acteurs étrangers (sélectionnés par consultation restreinte) dans le cadre du programme CIZO.
Le plan CIZO offre des mesures d’appui à certains distributeurs de kits pour les particuliers mais le marché reste ouvert. Le marché des projets d’autoproduction pour les structures est également ouvert à la concurrence et les
modalités d’accès au marché sont diverses.
Les mini-grids
Historiquement, les activités de mini-grids sont sous monopole public avec une mobilisation des acteurs privés principalement sur la construction. La stratégie d’électrification prévoit le déploiement de plus de 300 mini-grids solaires photovoltaïques au Togo développés sous forme de partenariats public-privé. Les acteurs privés seront donc mobilisés en tant que concessionnaire sur les futurs projets. Des acteurs togolais et internationaux
se positionnent sur ces marchés. Cependant, du fait de l’absence de marché passé au Togo, les acteurs togolais
n’ont pas d’expérience en tant que concessionnaire de mini-grids. Les principales difficultés rencontrées par les
acteurs du secteur de l’autoproduction « faible capacité » et des mini-grids concernent entre autres la rentabilité des
projets qui n’est pas encore garantie sans mesures de soutien ; l’accès au financement pour des projets qui comportent des risques importants ; la qualité du matériel ; les ressources humaines qui ne sont pas formées pour ces activités. De plus, les acteurs privés sont dans l’attente de la mise en place d’un cadre réglementaire clair sur les énergies renouvelables et décentralisées (en cours d’élaboration et de publication). Des mesures d’appui
sont présentées dans ce rapport pour soutenir les acteurs privés qui font face à ces difficultés. De plus, les acteurs
privés togolais rencontrent des difficultés spécifiques (faibles capacités financières, manque de certaines
compétences techniques ou financières, manque d’expérience) qui nécessiteraient des mesures spécifiques
d’appui et de transfert de technologie. Le rôle d’autres acteurs que les entreprises du secteur de l’énergie a également été traité dans cette étude.
Opérateurs financiers
Les projets énergétiques sont très intensifs en capital (d’autant plus pour les projets d’énergies renouvelables) et le financement des projets est un des freins à leur développement. L’implication des structures de financement est donc primordiale pour la réussite des projets.
Les institutions financières internationales sont très mobilisées sur le secteur de l’énergie et proposent de  nombreux programmes de financement et d’assistance technique et développent des instruments financiers
spécifiques au secteur de l’énergie. Les banques commerciales locales et les opérateurs de microfinances sont
eux beaucoup moins mobilisés sur le secteur de l’énergie, notamment à cause des risques importants liés à ces
activités. Or les petites et moyennes entreprises togolaises du secteur de l’énergie, ainsi que les porteurs de
petits projets de production décentralisée (particuliers, structures publiques, privées, associatives ou communautaires) financent majoritairement leurs activités via les banques locales et opérateurs de microfinance. La
mise en place d’instruments financiers spécifiques via des intermédiaires financiers locaux pourrait permettre de
lever en partie ce frein au financement.
Centres de formation
Plusieurs types de formations (formations académiques, formations fonctionnelles, formations à la
carte et formations en entreprises) sont actuellement disponibles au Togo pour former les personnes qui interviendront dans le secteur de l’énergie. Les centres de formation proposent des formations allant de quelques
semaines à plusieurs années.
Il y a très peu de formations sur le secteur des énergies renouvelables. Le niveau technique général des ingénieurs et techniciens formés au Togo est jugé satisfaisant par les entreprises privées mais ils ne sont pas du tout
spécialisés sur les technologies renouvelables. De plus, les formations existantes sont jugées trop peu professionnalisantes par le secteur privé. Les offres de formation ne sont donc pas en adéquation avec la demande du marché de l’emploi. Il faudrait donc développer des formations spécifiques sur les énergies renouvelables et
en particulier sur les métiers du solaire. L’AT2ER avec le soutien financier de la BAD a lancé un programme d’académies solaires en ce sens pour former des techniciens solaires dans le cadre du projet CIZO. Les entreprises
privées doivent être mobilisées sur la mise en place de ces formations. Ces formations ne doivent pas être
uniquement techniques mais doivent également couvrir des compétences en management et être tournées vers
la pratique (Travaux Pratiques, activités pratiques sur le terrain, stages). Afin de faciliter la mise en place de
stages, une législation favorable pour les entreprises qui prennent des stagiaires pourrait être mise en place
ainsi que des mécanismes de soutien à des stages dans le domaine de l’énergie. Enfin, les centres de formation rencontrent des difficultés pour mettre en place des unités expérimentales pour les étudiants par manque de sources de financement. Des soutiens financiers pourraient être apportés par les acteurs publics
togolais ou internationaux pour développer ces unités.
Acteurs de la société civile
Les acteurs de la société civile (associations, ONG, acteurs communautaires) sont majoritairement impliqués
dans des activités de lobbying sur la réglementation et le respect des droits des populations, sur des activités
de formation et sur des projets de production d’énergie décentralisée. Ces acteurs interviennent ponctuellement sur des projets portés par des acteurs privés mais ils pourraient être plus impliqués en amont des projets de production décentralisée afin d’avoir plus d’impact sur les territoires.
Joël Yanclo