COVID-19 : Attention aux zèles des uns et des autres

Depuis le communiqué du gouvernement demandant que les Togolais qui veulent accéder à un local public de l’administration puissent montrer patte blanche, on a vu un florilège de communiqués, qui d’un ministre, qui d’un directeur de services, imposant chacun, des dispositions particulières. Il en est ainsi du ministre de l’enseignement supérieur qui, dans un communiqué, exige des anciens étudiants et des élèves qui viennent d’avoir leur Bac, de se conformer à la décision gouvernementale avant le 15 Septembre 2021. Faute quoi, il en tirera les conséquences possibles.
Le Colonel-médecin Djibril Mohaman

Que le ministre demande aux anciens étudiants de se hâter, parce qu’ils auraient eu suffisamment le temps pour se faire vacciner, (on rappelle que le SINOVAC destiné aux étudiants du Togo était disponible depuis plusieurs semaines déjà), cela peut se comprendre.

Mais, mettre la pression sur les jeunes élèves qui viennent à peine de sortir de l’épreuve de feu du Baccalauréat, d’être à jour pour la vaccination au plus grand tard ce Mercredi 15 Septembre, semble un peu prématuré.

Il n’y a pas de polémique quant à l’urgence de la situation. La majorité des Togolais adhère aux renforcements des mesures prises par le gouvernement.

Mais, comme le gouvernement a eu à le rappeler aux forces de l’ordre, il faut un peu de pédagogie et de parcimonie dans l’application de la mesure.

Que peut faire un élève qui vient d’avoir son BAC, habitant dans la localité de Djarkpanga, pour être à jour de sa vaccination. Il en sera de même pour ceux qui habitent des localités éloignées des campus universitaires des villes de Lomé et de Kara, les seuls endroits où le SINOVAC est administré aux étudiants.

Cette décision d’inclure les nouveaux bacheliers dans cette campagne peut se comprendre, si des postes de vaccination ou des  »vaccinodromes » existent un peu partout à l’intérieur du pays. Autrement, à défaut du SINOVAC, les néo-bacheliers pourraient se faire injecter les doses d’un autre vaccin pour se conformer aux injonctions de Mr le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Aussi, nul n’ignore la situation des finances des parents qui, pour beaucoup, en ce moment, gèrent le foyer au jour le jour. Pour un élève qui doit quitter la ville de Badou pour se faire vacciner à Lomé, il lui faudrait débourser au bas mot 20 000 FCFA. Peu sont les parents qui, de surcroit préparent la rentrée scolaire, qui peuvent satisfaire à ce besoin immédiat de leur enfant. Ne parlons pas de ceux de Mandouri qui doivent rallier le campus de Kara.

Entre nous, quel parent peut se targuer aujourd’hui de se lever au pif et donner plus de 20 000 F CFA à son enfant pour qu’il se déplace. Même si c’est Kpalimé et Atakpamé qui sont relativement proches de Lomé, Sokodé Bassar, Niamtougou et Kantè, relativement proches de Kara, il faudrait tout même que les parents trouvent ces pécules par ces temps qui courent.

Gerry Taama, le président du groupe parlementaire NET-PDP à l’Assemblée nationale abonde dans le même sens. Dans un post sur Facebook, il écrit ceci :  » Aujourd’hui, les services et directions sous la tutelle de l’enseignement supérieure ne se limitent pas aux deux universités de Lomé et Kara, mais dans plusieurs régions du Togo. Peuton nous garantir que même si tout ce personnel décidait de se faire vacciner, les vaccins seront disponibles en quantité avant le 15 septembre prochain ? Aujourd’hui, les personnes éligibles au vaccin sont les étudiants ayant 20 ans au moins.

Plusieurs de nos enfants entrent à l’université moyennement à 18 ans, quid de cette population qui n’a pas encore accès au vaccin ? La population estudiantine des deux universités va bientôt atteindre 80 000 étudiants.

Avons-nous les moyens de faire vacciner tous ces étudiants avant le 15 septembre ? « . Pour le député, il ne faut pas non plus être plus royaliste que le roi, dit-il à l’endroit du ministre.

La communication du gouvernement fait plus preuve d’empathie et de respect de la personne humaine. Il a bien raison monsieur le Député.

Une fois encore, appliquons les mesures et les directives du chef de l’Etat avec intelligence. On ne veut plus vivre les drames que le pays a connus au moment du couvre-feu dans ce pays. Jouer au Zorro en voulant faire peur aux jeunes n’est pas la solution. Le ministre a certainement des collaborateurs qui pouvaient concevoir des stratégies plus élaborées pour amener ces nouveaux étudiants à adhérer à la vaccination.

Et puis, il est révolu ce temps de supers serviteurs de la République qui se croient tout permis. Quand on est au service du peuple, on ne le méprise pas. On oublie trop souvent qu’on est que serviteur. Le zèle à outrance, le mépris de ses concitoyens ne sont pas des valeurs inscrites dans la feuille de route 2020- 2025 du gouvernement. A moins que ces comportements d’une autre époque n’aient qu’un seul objectif : mettre du sable dans le gari du gouvernement.

A bon entendeur…

Ali Samba