Perdre son conjoint est désormais synonyme de souffrance pour plusieurs femmes togolaises. Car toutes celles qui ont connu cette situation ont été dépossédées de leurs biens et forcées à subir des rituels de veuvages deshumanisants. Comment vivent les femmes dans cette situation ?
A l’entrée de la maison construite par son défunt mari, Odile Kassegne ,49 ans, y a installé une baraque de fortune qui la protège au quotidien des rayons accablants de soleil. Assise derrière son étalage, elle attend impatiemment les clients. Car elle y vend des céréales et des tubercules.
En attendant l’arrivée de ses premières clientes, elle regarde les va-et-vient des passants dans une ruelle quasi déserte en compagnie de sa petite fille Maeva. Du vivant de son époux elle n’avait jamais imaginé mener une telle activité. «Mon époux prenait très bien soit de moi et des mes enfants. Je ne manquais de rien. Je suis depuis sa mort obligé de mener cette activité qui n’est pas aussi lucrative » explique-t-elle avec amertume.
Son époux n’étant plus de ce monde, elle doit désormais redoubler d’efforts pour prendre soins de ses trois enfants. L’ainé âgé de 29 ans a dû abandonner les études pour apprendre le métier d’artiste peintre. Bien qu’ayant achevé sa formation, il a du mal à trouver un emploi et aider sa mère à payer les frais de scolarité de ses frères cadets et les factures d’eau et d’électricité.
Malgré cette situation, Odile Kassegne, ne perd pas espoir. Même si elle a du mal à vendre comme il se doit sa marchandise, elle remercie chaque jour le bon Dieu de lui être venu en aide au lendemain de la mort de son époux. Car elle a failli être déposée de ses biens. « Mon beau-frère a voulu me chasser de la maison de mon mari avec les enfants. Je ne me suis pas laissé faire parce que je ne suis pas illettrée. Quand il a commencé à nous mettre la pression, je suis allée porter plainte à la justice. Et depuis lors grâce au aide et aux conseils des uns et des autres je suis arrivé à conserver la maison que m’a légué mon époux » confie Odile Kassegne avec beaucoup de fermeté. Si Odile Kassegne a eu beaucoup de chance. Ce n’est le cas de plusieurs autres veuves
Veuve ou sorcier ?
Adèle kacouma, 47 ans, tout comme Odile est une veuve. Elle a perdu son mari, militaire, il ya 4ans après plusieurs années de convalescence. Pendant que ce dernier vivait, elle habitait dans le camp militaire avec ce dernier et bénéficiait des privilèges dont jouissent certains militaires au Togo : logement gratuit véhicule et biens d’autres. « Mon mari souffrait d’une maladie que la médicine moderne n’a pu diagnostiquer. Durant sa convalescence aucun membre de sa famille n’est venu le rendre visite. Lorsqu’il a rendu l’âme, ils sont commencé à s’approprier nos Chez nous au nord du pays, à la mort d’un proche toute la famille se réunit et réfléchit à comment organiser les funérailles et les rites de veuvages. Ce n’est malheureusement pas ce qui s’est passé. Ma belle femme m’a plutôt accusé de sorcellerie » bien » se rappelle -t- elle
Durant la période des funérailles, elle va subir des traitements inhumains : bastonnades, privations de nourriture et de bain. Et comme si cela ne suffisait pas elle a été forcée d’épouser un de ses beaux-frères. Chose qu’elle a refusé. Aujourd’hui, il ne lui reste qu’une maison en piteuse état, construite par son époux dans la banlieue nord de Lomé. Le reste des biens lui ont été arrachées par sa belle famille. Le choc pour elle a été grand, à tel point qu’elle a sombré durant quelques mois dans l’alcool. Elle s’est vite ressaisie heureusement, selon elle, grâce à l’aide de Jésus Christ. Mais elle peine toujours à nourrir et à payer les frais de scolarité de sa fille et de ses deux garçons.
Tirer la sonnette d’alarme
La spoliation des veuves au Togo prend des proportions inquiétantes. En l’absence de toutes législations sur le sujet, elles sont laissées à la merci des belles-familles le plus souvent malintentionnées. Ces belles-familles, agissent en toute impunité. Pour éradiquer ce phénomène plusieurs organisations comme le Fonds d’aide aux veuves et aux orphelins (Fondavo) et le Groupe de réflexion et d’action Femme, Démocratie et Développement (GF2D) ont décidé de prendre le taureau pas les cornes.
Le Fondavo s’est résolument engagé à lutte contre la maltraitance des veuves. Depuis quelques mois le fonds en question recense et vient en aide à ces femmes. Ceci en leur octroyant des microcrédits pour lancer des activités génératrices de revenus.
« La veuve togolaise est dans une situation d’esclavage et de pauvreté extrême. La situation des veuves est lamentable au Togo et en cela, nous devons changer les mentalités», déclare le docteur Charles BIRREGAH, président du Fonds d’aide aux veuves et aux orphelins.
Le GF2D pour sa part a décidé d’accentuer la sensibilisation dans les zones rurales. Car dans ces parties du pays, la pratique est très accentuée. Dans un film documentaire réalisé il y a quelques années par l’organisation, les togolais ont pu découvrir les risques de contaminations au VIH sida auxquels sont exposées ces dernières. À mort de leurs époux les veuves sont forcées d’épouser leur beau-frère ou un membre de la famille de son époux, parfois infecté par le VIH .Ceci à l’insu des uns et des autres.
«Nous nous sommes assigner comme mission de combattre plus efficacement les violences basées sur le genre au Togo et à promouvoir le droit de la femme à jouir de son intégrité physique et morale face à la problématique du veuvage et à la pandémie du VIH/SIDA .On note la contribution et la prise de conscience des responsables des us et coutumes à prendre la décision d’abolir les rites de veuvages dans leur canton.» Explique Mme Gbadegbegnon Lonlonko, secrétaire générale du GF2D
En l’absence de toutes dispositions contraignantes, à l’encontre des toutes personnes pratiquant ces rites de veuvage, les membres du GF2D du ont décidé d’attaquer le mal à la racine, en amenant les autorités traditionnelles, religieuses et administratives à s’impliquant dans l’abolition des pratiques de veuvage au Togo.
Daniel Addeh