@Daniel Addeh

Togo: politique, imagination et rêve

A moins que le document à donner aux chefs d’Etat de la CEDEAO, ne soit substantiellement différent de la Déclaration de Lomé qui a conclu le colloque « Du CFA à l’Eco : quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? » qui a eu lieu à Lomé du 26 au 28 mai 2021, cette déclaration qui porte comme sous-titre Une feuille de route pour la création de la monnaie Eco-Cedeao, est problématique car elle laisse les citoyens dans un état d’insatisfaction.

En effet on pouvait attendre d’une feuille de route des objectifs et des stratégies à réaliser, des dates précises, des échéances, des conditions pour l’atteinte de ces objectifs. Mais à la place de tout cela, la déclaration décrit simplement ce que sera le système dans l’avenir et pour preuve on y trouve beaucoup de verbes au futur. Nous aurions également préféré quelques impératifs à l’attention des dirigeants de la CEDEAO.

Il aurait fallu que soit détaillée surtout la dernière phrase de texte : « La question de la  reconnaissance des avantages de l’intégration monétaire et de leur partage pour susciter l’adhésion des populations est fondamentale pour la réussite du projet. »
Oui, les autorités politiques ouest africaines ne devraient en aucun cas adopter une monnaie
sans que les citoyens ne se soient prononcés à ce sujet. Voilà pourquoi la feuille de route devait en être une en vérité, qui permette aux citoyens d’exercer un contrôle sur les mesures et les actions dans le temps.

Un grand nombre de citoyens, surtout les plus jeunes peuvent se dire : « Rien de nouveau sous le soleil avec ce colloque ». Veut-on vraiment le changement ? Est-on persuadé qu’on y arrivera un jour ? Le choix d’une monnaie n’est pas qu’une question économique mais c’est  fondamentalement une question politique et de projet politique qui pour l’instant est
totalement absent.

Et un des problèmes c’est que le terme politique est réduit à un sens négatif et dès lors peu
de gens veulent s’y engager. Mais comment peut-on désirer un changement sans y mettre un peu de soi-même, en attendant que d’autres le réalisent ?

Tous ceux qui déclarent ne pas vouloir faire de politique devraient plutôt se mettre à l’écoute de Thomas SANKARA qui affirmait en son temps : La révolution démocratique et populaire a besoin d’un peuple de convaincus et non d’un peuple de vaincus, d’un peuple de convaincus et non d’un peuple de soumis qui subissent leur destin.

Cependant, quelque part on ne peut s’empêcher de donner raison aux déçus, aux désabusés
qui s’abstiennent désormais de faire de la politique et même d’en parler pour certains. En effet, pour quelqu’un qui est né en 1995, par exemple, qui avait tout juste 10 ans en 2005, qu’a-t-il vu d’autre, lui qui a 26 ans aujourd’hui, que ce que nous déplorons aujourd’hui comme hier : la mauvaise gouvernance, la mauvaise répartition des richesses, les injustices sociales bref la misère pour une bonne partie de la population alors que certains se sont beaucoup enrichis. On dirait que l’organisation du vivre ensemble pour le mieux-être de tous, ce qui est d’ailleurs la finalité de la politique, reste toujours au stade du désir. Ici ou ailleurs sur notre continent des élections sont organisées et nos pays sont même devenus des champions des élections (on serait tenté de croire que les élections ont désormais remplacé les grandes célébrations au temps du parti unique) mais dans quelles conditions se déroulent-elles ? Et avec quelle institution ? Les commissions électorales dites partout indépendantes sont devenues une spécificité pour les pays de notre continent. Ces élections sont parfois gagnées par les mêmes depuis des décennies ; des personnalités demeurent au pouvoir depuis des années et d’autres se préparent à remplacer leur père ou oncle à leurs postes.

Les déçus de la politique, sont donc fondés à croire que rien ne changera plus jamais sur la
terre de nos aïeux ! Et ce d’autant plus que les partis dits d’opposition, ne proposent
vraiment rien de nouveau ! Passe encore que ceux qui sont au pouvoir gardent les mêmes
stratégies puisque cela leur réussit.

Mais qu’on ait toujours les mêmes reproches à faire à l’opposition, incapable de s’unir
autour d’un combat commun, occupée à se critiquer et à se chamailler, chacun arc-bouté sur
sa position ! Des partis qui participent à des négociations dans telle ou telle ville de la sous-région après chaque round de violences, et qui une fois de retour chez eux n’arrivent pas à faire aboutir leurs revendications et leurs acquis. On observe aussi des hommes politiques d’opposition qui changent de ligne politique à tout instant. Aujourd’hui, c’est comme d’habitude, on attend que le pouvoir propose de nouveau quelque chose pour y participer en rangs dispersés et donc affaiblis.
Que se passe-t-il ? Les hommes politiques seraient-il en panne d’imagination ? Si oui
comment et pourquoi sont-ils alors entrés en politique ?

En effet, ce qui nous amène à la politique n’est-ce pas un rêve ? Le rêve de voir les
habitants de son pays, sa commune, son village, son quartier, plus heureux. Alors on se dit que pour cela, il faut que son parti ait le pouvoir, non pour le pouvoir mais pour réaliser ce rêve. N’est-ce pas comme cela que sont nées certaines belles carrières de politiciens ?
Ensuite, une fois que votre décision d’entrer en politique est prise, puisque personne n’a encore trouvé la solution pour rendre vos concitoyens heureux sur le point qui vous a frappé alors il vous faut de l’imagination pour concevoir des stratégies et des programmes.

Prenons l’exemple d’un Thomas SANKARA. Ne lui a-t-il pas fallu de l’imagination pour penser que ses concitoyens avaient un grand besoin de retrouver la fierté de leur culture et de leurs origines ? Alors il a pensé à faire changer le nom du pays : on a donc remplacé le nom colonial Haute-Volta par un autre plus exaltant et qui constitue tout un programme, BURKINA FASO : pays des hommes intègres ; on a remis à l’honneur le Faso dan fani, pagne traditionnel tissé.
Et que dire du fameux discours « I have a dream » de Martin Luther KING : combien de
destins de politiciens afro-américains et d’autres origines n’a-t-il pas inspirés ?
Comment ne pas comprendre les jeunes togolais ? Quelles sont les paroles mémorables que
prononcent les hommes politiques togolais, paroles qui excitent leur imagination, qui les
galvanisent ?

Voilà pourquoi nous lançons un appel à nos hommes et femmes politiques qui se plaignent
du manque d’engagement des jeunes et des moins jeunes.
– Commencez par partager avec nous votre vision de notre pays, de notre continent.
Comment le rêvez-vous ? Quel type de société nous proposez-vous ? Comment voyez-vous notre quotidien ?
– Nous vous dirons alors, ce dont nous rêvons, quel quotidien nous aimerions vivre. Nous pourrions alors choisir ensemble un projet et le porter tous ensemble et ce sera ainsi Notre Projet !
– Ensuite dites-nous comment vous comptez procéder ? Quelles sont les stratégies que vous proposez ? Qu’allez-vous faire et qu’attendez-vous de nous ? C’est alors que Nous vous dirons ce que Nous pouvons faire tous ensemble avec vous.

En fait ce qui compte c’est le mot ensemble car ce que les citoyens demandent, c’est que
l’on compte sur eux, sur leurs apports. En effet ce dont ils souffrent à présent c’est de se
voir tout le temps imposer des objectifs et des stratégies sans en avoir les tenants et les
aboutissants.
Alors, Nous les citoyens, nous attendons ces hommes politiques qui nous feront rêver et
qui nous feront voir la politique avec d’autres yeux : Nous aurons alors envie de faire de la
politique, avec vous puisque la politique va améliorer le vivre ensemble et apportera plus
de joie et de bonheur car elle transformera tous les secteurs de notre vivre ensemble.

 

Par Maryse QUASHIE et Roger E. FOLIKOUE