Epouse Paul AYi devant les fresques de son époux

Togo : une fresque de Paul Ahyi sauvée d’une éventuelle concurrence entre supermarchés

L’œuvre du célèbre plasticien togolais Paul Ahyi menacée de destruction sera finalement préservée. C’est la bonne nouvelle issue des démarches enclenchées dès l’annonce de sa démolition. Le monde des plasticiens peut donc pousser un ouf. Mais cela ne cache pas une guerre d’influence en perspective entre deux magasins de grandes surfaces à Lomé.

Au grand marché de Lomé, en face de l’église évangélique presbytérienne non loin de l’hôtel Palm Beach, se trouve une fresque murale de l’immense Paul Ahyi (décédé en janvier 2010). Adossée àun supermarché, elle est passée des mains de repreneurs divers. De Goyi Score à l’actuelle propriétaire la société Ramco en passant par la Société générale de Golfe de Guinée, la fresque a résisté. Jusqu’à ce que les nouveaux patrons du magasin de la grande surface envisagent de la détruire. La raison, un agrandissement du supermarché. Un projet d’un bâtiment de trois étages qui a failli emporter Paul Ahyi pour la seconde fois.

Sauvée des intérêts mercantiles

En toile de fonds de cet agrandissement de la société Ramco, l’imminente installation à Lomé du géant français de la grande distribution Duval, nous dit une source sous anonymat. « Le géant français veut construire la même chose au niveau du quartier GTA à Lomé », précise-t-elle. Selon notre informateur, le groupe indien voudrait anticiper sur la venue d’un concurrent de taille et  donc conforter sa place de leader à Lomé. Ramco craigneraitque Duvalne lui ravisse la vedette au Togo, croit savoir notre source. « La société veut donc maintenir son influence de numéro 1 de la grande surface au Togo c’est pour cela qu’elle anticipe sur l’installation du groupe français au Togo », indique-t-elle.

La meilleure défense, c’est l’attaque, dit-on. Visiblement un scenario pareil se profile. Et c’est probablement pour devancer les choses que Ramco donnerait un coup d’accélérateur à son projet. La société se serait même attaché les services d’une entreprise chinoise. La fresque murale fait donc obstacle à la nouvelle architecture. Du côté de Ramco on n’apprend qu’un courrier a été envoyé aux autorités administratives les avertissant du projet de démolition de la fresque. Mais le mutisme des autorités auraient amené les responsables du supermarché à passer à la vitesse supérieure.  La menace de destruction de la fresque planait jusqu’à ce que les plasticiens crient haro.

Pour Constantin Alihonou président de la Fédération nationale des associations professionnelles des arts visuels du Togo (Fenapav-Togo), ce n’est pas la première fois que la fresque en céramique fait face à un tel mépris.  En 2017, affirme-t-il « des hangars ont été construits devant la fresque et la cachaient. Face à cela nous avons, en collaboration avec le Syndicat national des artistes du Togo (Synato), fait une manifestation afin d’attirer l’attention de la population que l’œuvre est à protéger et à sauvegarder ». Cela a porté ses fruits. Car peu de temps après les hangars ont été détruits. « Si on détruit cette œuvre, c’est toute la chaine de ce qu’elle rapporte au pays qui est détruite », fait observer Constantin Alihonou. Il dit avoir saisi le ministre en charge de la Culture par courrier dès l’annonce de la destruction de la fresque.

Ce que confirme le plasticien Richard Lawson-Body. « Lorsqu’on a eu la nouvelle de la destruction de la fresque, notre président a saisi par courrier le ministre de la Culture. Il lui a promis se rendre sur le site. Le lendemain le ministre était sur le terrain. Après, il nous a adressé un courrier nous invitant à une rencontre d’échanges dans son cabinet », renchérit-il. Au sortir de la rencontre Gbenyo Lamadokou, le ministre togolais de la Culture et du Tourisme a rassuré les plasticiens. Il a souhaité s’entretenir avec les responsables de Ramco afin de trouver les voies et moyens pour « sauver Paul Ahyi de sa seconde mort ». Ce qui est fait. Car selon Cyriaque Noussouglo, Coordonnateur des projets au ministère de la Culture et du Tourisme, Ramco a donné son assurance que la fresque ne sera pas détruite ». Il ajoute que la société « va faire des propositions qu’un collège d’artistes va suivre et le ministre les validera ensuite ». L’œuvre sera donc préservée.

La suite

« On va travailler à la valorisation de l’œuvre. Il est prévu un périmètre de protection de l’œuvre dans la nouvelle architecture. Des jeux de lumière afin que les gens puissent, s’ils le désirent, faire des selfies avec la fresque », annonce Cyriaque Noussouglo. Afin d’éviter les situations de ce genre dans l’avenir, le Coordonnateur des projets a laissé entendre qu’une commission se penche sur l’inscription et le classement des sites des œuvres d’art. « Une commission est mise en place pour identifier les sites pour pouvoir les inscrire. Le classement sera fait par un décret présidentiel » précise Cyriaque Noussouglo.

Anani GALLEY