Le ministre des enseignements primaire, secondaire, technique et de l’artisanat, également président de l’Université de Lomé, le professeur Dodzi Kokoroko a pris jeudi un arrêté pour le moins curieux.
En un seul coup, il met fin aux fonctions de 1192 directeurs de l’enseignement préscolaire et primaire dans les établissements publics du pays.
Cette décision a été prise, alors que la grève de 48 heures, lancée par la Fédération des Syndicats de l’Education Nationale (FESEN) prenait fin ce jour là même. Pendant que le bureau de cette fédération se félicitait du succès qu’a connu ce mouvement de débrayage et se proposait de prouver, auprès des tribunaux du pays, son caractère « licite », le professeur agrégé de droit, indiquait dans son arrêté, que les directeurs ainsi relevés de leurs fonctions sont mis à la disposition des directeurs régionaux de l’éducation pour être redéployés comme « chargés de classe dans une école primaire ».
Qui peut objectivement manquer d’établir une corrélation directe entre la grève ainsi menée par la FESEN et cet arrêté qui a tout l’air d’une vraie sanction ?
A moins pour celui-là d’avoir manqué de lire le communiqué rendu public par ce même ministre la veille de cette grève, prenant prétexte sur le caractère semble-t-il « illicite » de celle-ci pour menacer de sanctions sérieuses tous ceux qui observeraient un tel mouvement.
Ce n’est pas tout; même la semaine dernière, le ministre de la fonction publique, Gilbert Bawara avait lui aussi énergiquement averti que tous ceux qui feraient cette grève allaient se heurter à la rigueur de la loi.
Ainsi ce fameux arrêté ne peut qu’être la conséquence logique des menaces précédemment proférées par l’officiel togolais à l’encontre des enseignants grévistes et c’est précisément ici que le sujet devient intéressant, car visiblement, à lire de près le communiqué rendu public par le bureau de la FESEN, la grève a connu un succès franc. Le nombre impressionnant de directeurs relevés de leurs fonctions aussi l’indique limpidement!
Cela veut donc dire que les ministres n’ont pas été écoutés par les enseignants et ceux-ci n’ont même pas eu PEUR des menaces ainsi proférées.
Par conséquent, de guerre lasse, le ministre de tutelle, pour ne pas perdre la face, s’est résolu à utiliser les directeurs du préscolaire et du primaire comme des cobayes pour signifier que lui et son collègue de la fonction publique n’avaient pas parlé dans l’air, mais avaient effectivement les moyens de sévir. Puéril n’est-ce pas?
En réalité, au regard de ce qui se passe au sein de l’appareil directionnel de notre pays, l’on a le regrettable sentiment que nos dirigeants manquent toujours de se poser les bonnes questions.
Comment donc un ministre de la République, peut écrire une note circulaire et même parler sur les antennes de radios ou de télévisions à l’endroit de ses administrés, sans être écouté? Et lorsqu’une telle situation arrive, s’interroge-t-il vraiment sur sa légitimité et son leadership ?
La mesure prise par le professeur Kokorko à l’encontre de ces directeurs veut insidieusement dire qu’il s’attendait à ce que ces derniers, du fait de leur titre de directeur, empêchèrent la grève dans leurs établissements, et comme ils n’ont pas réussi ce pari, alors il les sanctionne. Si c’est cela le raisonnement, il ne doit non plus s’arrêter en si bon chemin.
La logique et le bon sens voudraient donc que l’on se dise aussi qu’étant le ministre en charge de cette éducation, et de surcroit professeur agrégé, il aurait dû user de tous les moyens, pour empêcher que son secteur ne connut un tel mouvement. Maintenant que lui aussi n’a pas réussi un tel pari et que la grève a été soldée par un franc succès, que lui reste-t-il, en toute logique à faire?
Vraiment cette question de gouverner par la PEUR et les intimidations n’a pas encore fini de nous étonner dans ce petit Togo!
Luc Abaki