Aux sources de l’histoire authentique de l’assassinat de Sylvanus Olympio, le poignant témoignage de Maman Dina Olympio

Par Godwin Tété

« Seule la vérité est révolutionnaire »

Vladimir Ilitch Lénine

 

Pour moi, indubitablement (!), Sylvanus Kwami Epiphanio Olympio est non seulement le père de l’indépendance du Togo, mais, de plus, il est le père de la Nation togolaise !!! Et cet homme aura été lâchement (!), froidement (!), gratuitement (!) assassiné au petit matin du dimanche 13 janvier 1963. Lequel assassinat aura plongé la Terre de nos Aïeux dans le bourbier où elle patauge encore à l’heure actuelle. Le meurtre qui aura donné naissance à la sempiternelle « Question togolaise »…

Il appert dès lors normal, légitime, compréhensible que les véritables tenants et aboutissants, la cause profonde d’un tel abominable et imprescriptible CRIME (!!!) contre le Peuple togolais soient recherchés et trouvés. Ici, référence est faite au bi-hebdomadaire togolais L’ALTERNATIVE, N°978 du 15 octobre 2021, pp- 1, 3 et 5.

À ce propos, j’ai publié, en 2002 et 2008, quelques documents de premières mains. Mais ils sont publiés dans des ouvrages qui, vraisemblablement – pour ne pas dire certainement – ont été lus à ce jour par une infime minorité de gens. Voilà pourquoi je me fais le devoir de reproduire, ci – après, le TÉMOIGNAGE de Maman Dina Olympio qui, pour ma part personnelle, m’afflige énormément !

« Quant à Maman Dina Olympio (née de père Grunitzky et de mère Amégashie de Kéta), elle souffrait déjà de diabète ; et c’est pratiquement sous ses yeux que son mari aura été abattu… Elle en subit un traumatisme psychique brutal qu’elle ne saura point supporter très longtemps. Elle décédera de chagrin à Cotonou le 20 septembre 1964. Ses restes gisent au cimetière afro-brésilien d’Agoué. Au pied des restes de son mari.

La réaction essentielle de Maman Dina Olympio est consignée dans la lettre qu’elle a écrite le 27 janvier 1963 à quelques chefs d’Etat africains, principalement à ceux dits modérés en ces jours-là. Par la simplicité et la sérénité ale sa teneur, elle incorpore la sublime dignité de son auteur. Elle fait partie intégrante du patrimoine politico-culturel togolais. Et voilà pourquoi je l’insère ci-après :

« Peu après minuit, dans la nuit du 12 au 13 janvier, mon mari et moi avions été réveillés par des bruits insolites venant du côté de notre porte d ’entrée au rez-de-chaussée. D’une fenêtre ouvrant sur la rue, j’ai pu observer un mouvement de plusieurs militaires le long de la façade de notre maison. J’en avisai mon mari qui me recommanda de me retirer dans ma chambre, et de me protéger le mieux possible. Dehors, les premiers coups de feu éclatèrent. Vers une heure du matin, les militaires faisaient irruption dans ma chambre, poussant devant eux mes servantes. Ils cherchaient vainement mon mari dans les appartements, tirant sauvagement dans les murs et les meubles. C ’est après cette vaine tentative que je me rendis compte que mon mari était descendu et sorti de la maison. À quatre heures du matin, une délégation de deux députés membres de l’Unité Togolaise (Jules Moustapha et Moussa Kona), escortés par le lieutenant Assila, vinrent demander à mon mari de se rendre au camp militaire pour négocier avec les insurgés. Comme mon mari était toujours absent, la délégation repartit, me laissant avec les militaires qui se livrèrent alors à quelques actes de pillage. À six heures du matin, il commençait à faire jour, j’ouvris la fenêtre qui donne sur la cour intérieure et la cour de l’ambassade des Etats- Unis. C ’est de cette fenêtre que j’ai pu voir quatre militaires passer par-dessus les murs de la clôture et sommer mon mari de sortir d’une voiture rangée dans la cour. Sans la moindre résistance, il obtempéra les bras en l’air, sans doute pour montrer qu’il n’était pas armé. Je descendis aussitôt afin de transmettre à mon mari le message des députés, mais je n’ai pas pu le joindre à temps. Au moment où je tournais le coin de la rue qui devrait m’emmener au portail de l’ambassade, j’entendis une rafale de mitraillette et trouvai mon mari gisant au sol, criblé de balles et mutilé à coups de baïonnette. Me voyant arriver, les militaires se sauvèrent. Une femme française qui a suivi la scène vint me raccompagner à mon domicile. Ainsi mourut mon mari. Jusqu’à l’ultime instant de son existence, il n’a jamais fait preuve de violence ; c’est ainsi que je l’ai vu mourir en homme digne et courageux, rendant son dernier soupir pour an pays dont il avait toujours été fier et qu’il aimait de toute la force de son âme. Vous ferez de ces faits, je suis sûre, un usage à la mesure de votre éminente distinction et de l’audience que vous avez auprès de toutes les nations. » (Source : Archives familiales du défunt.) [Cf. mon livre Sylvanus Olympio – Père de la Nation togolaise. Ed. L’Harmattan, Paris, 2008, pp. 232 – 233.]

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Le lecteur serait également édifié s’il se donnait la peine de consulter mon bouquin Histoire du Togo – Le régime et l’assassinat de Sylvanus Olympio (1960 – 1963). Ed. NM7, Paris, 2002 :

  • ANNEXE XV: Témoignage recueilli par le RP Félix Lutz, entre les 14 et 19 janvier 1963, sur l’assassinat de Sylvanus Olympio, pp. 315 – 321.
  • ANNEXE XVI: Récit du RP Jean Gbikpi (5 février 1963), relatif à l’assassinat de Sylvanus Olympio, pp.322 – 329.

 

Salut !!!

Lomé, le 16 octobre 2021

Godwin Tété