École togolaise: comprendre les caprices des élèves!

La note circulaire publiée conjointement par les ministres en charge de l’éducation dans sa globalité dans notre pays n’est pas passée inaperçue. Certes les critiques formulées ici et là tiennent principalement de la forme où d’intolérables coquilles ont échappé à la loupe de nos agrégés.
Mais je souhaite que nous explorions un peu le fond. Les ministres nous renseignent que des élèves inscrits en classe d’examens prendraient le malin plaisir, délibérément, à ne plus aller au cours alors que les programmes ne sont pas encore terminés, les révisions non plus.
Trouvant précisément que cet absentéisme est l’une des causes des nombreux échecs scolaires, ils ont décidé de sévir en menaçant de radier de la liste des candidats, ceux qui se rendraient coupables d’un tel comportement. Du coup, ces élèves se verraient refuser le droit de passer les examens. Voilà en résumé le contenu de la note.
Sur le principe, il est toujours utile de ramener les apprenants à la raison, de les canaliser en leur montrant, par des méthodes souples, la bonne voie à suivre pour réussir dans la vie.
En cela nous saluons l’initiative de ces ministres même s’il faut reconnaître que ce phénomène n’est pas aussi grave que cela et ne date surtout pas de maintenant, nous tous étant passés par là.
Cela dit, qu’est-ce qui peut pousser des élèves à s’absenter des cours?
L’on peut considérer que si des ministres de la République sont montés au créneau pour en parler de façon solennelle, cela suppose que le phénomène est devenu endémique, sérieux et donc inquiétant.
Nous savons tous que l’école est le moyen par lequel, l’on s’enrichit l’esprit, s’épanouit intellectuellement et acquiert les diplômes qui vont lui ouvrir les portes de l’emploi plus tard.
Donc en toute logique, l’école devrait avoir quelque chose de stimulent, d’accrochant, de séduisant ou j’allais dire d’émerveillant, car la quête de la connaissance fait partie des activités qui assouvissent l’âme humaine, la comblent et l’enchantent.
A l’école, il est des enseignants qui, lorsqu’ils rentrent en classe, ont le magnétisme nécessaire pour retenir l’attention de tous les élèves, les incitent à participer au cours, de sorte qu’ils se sentent totalement concernés par ce qui se dit et se fait en classe.
Avec un tel enseignant, l’appétit à suivre le cours monte crescendo et tous les cas d’absence de ce dernier laissent toujours un goût d’inachevé, un vide dans le cœur des élèves.
Imaginons que la majorité des enseignants ainsi chargés de prodiguer de la connaissance aux élèves avaient cet atout, serait-il possible que des élèves s’absentent des classes? Je sais que vous convenez avec moi que non.

Alors où se trouve réellement le problème ?

D’abord dans la capacité des enseignants à assumer leur sacerdoce d’enseignants qui doivent prendre du plaisir à enseigner, ce qui suppose qu’ils ont fait de ce métier une vraie passion qui leur permet de révéler leur personnalité et ainsi de susciter l’envie de se faire suivre et aimer des élèves qui verraient ainsi en eux, de vrais parents cherchant à les construire.
Mais si ce n’est pas le cas, si l’enseignant exerce son métier par nécessité du fait de la pitance qu’il doit se garantir, sans doute qu’il ne laissera, sur les élèves, aucun impact qui les accroche et les soude à lui. Du coup, ceux-ci flaireront juste l’occasion de pouvoir s’échapper du cours, car ils verraient leurs âmes s’étouffer continuellement et n’auront aucun goût à suivre le cours. Voilà pour la première raison qui, pour être résorbée, exige que l’on mette à la disposition de l’enseignant, les moyens nécessaires pour faire de lui un vrai formateur qui se résout à donner le meilleur de lui-même pour cette activité à la limite sacrée du fait qu’elle participe à forger l’élite de demain.
La deuxième cause peut être liée aux moyens. Si l’élève est en location ou doit prendre un moyen de transport avant d’arriver à l’école alors qu’au regard de la crise qui sévit dans le pays, il est réduit à lutter pour s’assurer son pain du jour, il n’aura pas de choix que de renoncer à aller au cours ou aux révisions surtout s’il n’y voit aucune valeur ajoutée et a l’assurance que par Internet, il peut combler son besoin de connaissance et ainsi aller dûment à l’examen.
Tout ceci pour dire que le problème est plus profond et nos dirigeants ont aussi ce devoir de faire du système éducatif, un créneau dynamique qui a quelque chose de stimulent aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Ceci sous-entend une surveillance accrue de ce que font les enseignants en classe, de leur manière de prodiguer de la connaissance aux élèves, mais aussi, une action de bienveillance à l’égard des élèves eux-mêmes.
A notre époque, il existait par exemple des bourses scolaires, infimes certes, mais qui avaient un impact incroyable sur la vie des élèves nécessiteux et des élèves intelligents. Ces bourses existent-elles encore en milieu scolaire dans notre pays? J’ai de sérieux doute à ce propos.
En tout, la solution n’est donc pas dans la simple intimidation ou menace des élèves absentéistes, mais dans la recherche des solutions à un niveau plus élevé et plus global. Du fait même qu’elle alimente l’esprit humain, l’école doit être sacrée et prise rigoureusement au sérieux si l’on tient à assurer demain, une relève digne de ce nom.
Luc Abaki