Nathaniel Olympio

Nathaniel Olympio: « Des coups d’Etat, il y en aura d’autres ! »

C’est ce qui est paradoxalement attendu, voire souhaité, par la majorité des défenseurs de la démocratie à laquelle les dictatures ne laissent aucune autre voie de changement pacifique. Quand les dialogues ne s’ouvrent sur aucune évolution consensuelle, que chaque élection plonge un peu plus les pays dans des turbulences et que les manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes ne parlent pas aux dirigeants, alors la population se met à rêver de changement brutal, que cela prenne une forme populaire, par coup d’Etat militaire ou une combinaison des deux. La Guinée n’y a pas échappé.
Tout le monde savait que cette issue était inéluctable depuis que l’ex-président Alpha Condé a tripatouillé la Constitution pour s’offrir un troisième mandat proscrit par la même loi fondamentale. Aucune organisation internationale n’anticipe pour prévenir cette issue quand les ingrédients se mettent en place. Changement de Constitution, manipulation des élections, répression des manifestations, emprisonnement des défenseurs de la démocratie, l’enchaînement de ces étapes ne suscite aucune désapprobation des organisations sous-régionales ou internationales. Ni la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ni l’Union Africaine ne s’émeuvent de ces dérives, véritables coups d’Etat constitutionnel et électoral. Puis, quand survient le coup d’Etat militaire, ces mêmes organisations s’indignent et appellent au retour à l’ordre constitutionnel, celui-là même que les peuples rejettent et combattent. Préféreraient-elles le maintien au pouvoir par des coups d’Etat juridiques au changement par coups d’Etat militaires ? Ce traitement incohérent des situations similaires est incompréhensible pour les peuples.
 
 
 
 
En demandant, visiblement sans conviction, le rétablissement de l’ordre constitutionnel après le coup d’Etat du 5 septembre 2021 en Guinée, la CEDEAO et l’Union Africaine prennent une position qui semble n’être que de principe, et aux yeux des citoyens leur injonction porte peu de valeur. Pour la jeunesse, ces organisations sont loin de leurs préoccupations et sont plutôt au service des gouvernants. C’est le retour en force du syndicat des chefs d’Etat, contrairement à ce que déclarait le président Alpha Condé en juillet 2018 sur les antennes de France 24, alors qu’il était facilitateur de la CEDEAO avec le président Nana Akufo Addo du Ghana dans la crise togolaise « Je dis clairement que nous ne sommes pas un syndicat de chefs d’Etat ».
 
 
Quand on regarde la situation dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest – le cas du Togo où sévit une dictature implacable depuis plusieurs décennies est emblématique – les ingrédients d’un changement brutal sont en place. Personne ne serait surpris si cela se produisait. C’est ce à quoi aspire de plus en plus la majorité des jeunes dépourvue d’emploi avec un horizon sombre.
 
 
Dans les armées de ces pays qui comptent plusieurs milliers de militaires et des centaines d’officiers, peut-on raisonnablement se persuader qu’il n’y en ait pas qui puissent agir comme les officiers Assimi Goïta du Mali ou Mamady Doumbouya de Guinée ? Jamais deux sans trois !
Tant que les peuples seront privés de liberté et d’épanouissement et que l’on obstruera les autres issues permettant de changer les choses pacifiquement, alors des coups d’Etat, il y en aura d’autres.
Nathaniel Olympio
Président du Parti des Togolais