Togo: immersion dans une nébuleuse qui fait des richissimes à la frontière de Hillah-Condji

Depuis le 21 mars 2020, le gouvernement togolais, dans l’optique de protéger les Togolais contre la pandémie à Coronavirus qui a durement frappé les pays du monde entier, avait décidé de fermer toutes les frontières terrestres. Cette restriction ne touche toutefois pas les véhicules transportant des marchandises. Donc l’objectif principal est de limiter les flux humains de part et d’autres de nos frontières afin d’isoler la population togolaise de tout contact extérieur pouvant importer la Covid-19 sur notre sol.
Plus d’un an, la mesure est toujours en vigueur sauf que le flux humain qu’elle vise à limiter s’est exponentiellement accru et est devenu un business très lucratif permettant d’enrichir de façon effroyable, une catégorie d’acteurs de la vie publique chargés de mettre en application les vitales dispositions prises au sommet de l’Etat. La population togolaise censée bénéficier des bienfaits de ces mesures est passée à la trappe, royalement siphonnée au point où elle se pose la question de savoir: entre les agents des services de la Police nationale, des douanes, l’Etat togolais et les commerçants, à qui profite au juste, à l’étape actuelle des choses, la décision de la fermeture des frontières terrestres togolaises avec les pays voisins ?
 
 
 
 
Samedi 10 Juillet 2021. Il sonnait un peu plus de 07h ce matin là. Nous sommes au devant-poste de la police des frontières de Sanvee-Condji. Le policier qui enregistrait les pièces des voitures déclarait avec un sarcasme inouï : «Vous les Togolais vous êtes encore riches ce matin hein…». «Ah bon?» a sursauté notre chauffeur. Et devant son étonnement l’agent béninois enfonça le clou: «Vous êtes exactement la 150ème voiture dont j’enregistre les pièces». Le policier béninois n’a pas été très explicite. Mais nous avons découvert le pot-aux-roses  de l’autre côté de la barrière à Hillah-Condji sur le territoire togolais. Tenez-vous bien: – pour descendre la corde et faire passer la voiture: 5000 Francs CFA sont exigés et nous sommes dans l’obligation de les payer.
– formalités policières: 5000 Francs CFA – frais pour les douaniers: 5000 Francs CFA- laisser-passer OTR: 7000 Francs CFA (nous vous produisons un exemplaire d’un autre véhicule)
– nous, les 4 passagers à bord de la voiture aux côtés du Chauffeur avons payé 4.000 Francs à raison de 1000 Francs par personne. Au total, nous avons payé 26.000 Francs avant de pénétrer le territoire togolais.
Le propriétaire du véhicule qui est reparti le même jours a attesté par téléphone avoir payé les mêmes frais au niveau de la Police et de l’agent qui était chargé de baisser la barrière pour laisser passer la voiture, en plus des 4000 Francs CFA des passagers à bord de sa voiture. Rappelons qu’en allant à Cotonou la veille nous avons payé 1000Francs CFA aux agents agents de police avant de pouvoir passer. Au total, la voiture de notre frère résidant à Cotonou a déboursé 40.000 Francs CFA avec ses passagers. C’est une règle non-écrite rigoureusement appliquée à tous ceux qui veulent traverser la frontière entre le Togo et le Bénin.
Le policier béninois déclarait peut après 7h du matin que nous étions la 150e voiture. Ce qui veut dire 40.000
Francs CFA multipliés par 150 véhicules. Ce qui fait la rondelette somme de 6.000.000 (Six millions) de Francs
CFA engrangés peu après 7heures du matin. Et sur cette coquette somme, 1.050.000 (Un million cinquante mille)
Francs CFA seulement rentreraient dans les caisses de l’OTR si et seulement si les reçus de laisser-passer
délivrés n’étaient pas falsifiés par les agents qui empocheront quoiqu’il en soit 4.950.000 (Quatre million neuf cent
cinquante mille) Francs CFA. Qu’en sera-t-il jusqu’à midi? Qu’en sera-t-il jusqu’à la fi n de la journée et qu’en sera-t-il toute la nuit? Bref qu’en sera-t-il jusqu’à la fi n du mois ? En ce qui concerne les marchandises, n’en parlons pas. Car étant donné qu’il n’y a pas un système de surveillance et de décompte sophistiqué, les agents peuvent enregistrer le nombre de passages et la quantité qu’ils veulent. Malheureusement ce système mafieux ne s’arrête pas qu’à la seule frontière de Hillah-Condji. Il est perceptible au niveau de plusieurs autres frontières du Togo qui sont officiellement fermées avec des conséquences dramatiques sur l’économie nationale. Car les plus gros clients des fournisseurs togolais des Grands Marchés de Lomé viennent de l’extérieur. Malheureusement avec la fermeture des frontières et ses complications au niveau des formalités, ces clients sont presque partis chercher des débouchés ailleurs. L’économie nationale est alors asphyxiée. Pendant ce temps, l’objectif principal qu’ont visé nos autorités avant de décréter la fermeture des frontières est battu en brèche. Les gens continuent à pénétrer abondamment le territoire togolais dont les populations ne sont plus isolées comme souhaité. Et la pandémie sévit toujours sur notre territoire avec ses nombreux variants d’ailleurs, qui pénètrent facilement nos frontières malgré la décision officielle de leurs fermeture. Alors la question qui saute à l’esprit est la suivante: où se trouve alors la nécessité de maintenir la fermeture des frontières si les gens peuvent seulement payer pour pénétrer notre territoire ? La fermeture des frontières signifierait-il qu’on peut payer les agents censés faire respecter la mesure pour passer? Le fait de payer les policiers et douaniers qui laissent passer permet-il de délaisser la maladie de l’autre côté des frontières quand ont est porteur du virus ? Est-il normal qu’on érige ce système pour spolier les pauvres passagers au profit des agents grassement payés par l’argent du pauvre contribuable ? Encore une fois à quoi sert alors la fermeture des frontières terrestres togolaises ?
Déjà plusieurs voix se sont levées pour pointer du doigt les effets néfastes constatés sur les activités commerciales dans notre pays suite à cette mesure. «Mes activités sont pratiquement au point mort depuis la fermeture des frontières terrestres, car la plupart de mes clients viennent de l’extérieur notamment de la Côte d’Ivoire et des pays limitrophes du Togo» comme le Bénin ou le Ghana, se plaint Mme Goka Celine, 52 ans, Commerçante de tissus au grand marché de Lomé. Mais déjà, la Banque mondiale avait relevé dans une étude réalisée en septembre 2020 que «la fermeture des frontières, les mesures de distanciation sociale et la limitation des déplacements (…)
ont porté un coup dur à l’activité économique au Togo», petit pays d’Afrique de l’Ouest de 7,8 millions d’habitants,
où beaucoup dépendent du commerce au sein de la zone de libre échange de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), d’autant que les côtes du Togo ne s’étendent que sur une cinquantaine de kilomètres. L’Etat togolais, dans l’intérêt de la population, est appelée à revoir à tête froide cette mesure concernant la fermeture des frontières. Autrement, l’économie nationale s’en sortira très mal tandis que des repus de la République, bien traités par l’argent du pauvre contribuable, continueront à se sucrer à coups de millions de nos  francs sur le dos des pauvres citoyens.
Bon à suivre !
Source: Dimas DZIKODO