Jean koutoglo, 13 ans, montre des signes de fatigue en cet après-midi de mai 2016. Vêtu de haillons et dégoulinant de sueur, il a du mal à respecter la cadence de marche imposée par ses aînés. Il transporte, pieds-nus, depuis une dizaine de minutes un fagot de bois sur la tête. Comme bien d’autres enfants de son âge, il se plie au même exercice deux fois par semaine. « À force de transporter ces fagots de bois régulièrement, on finit par s’y habituer. Je fais le même trajet les mercredis après-midi et les samedis dans la matinée» laisse-t-il entendre d’une voix entrecoupée.
Ce jeune élève du Cours Moyen 2ème année(CM2) se prépare, pour la seconde fois, à passer l’examen du Certificat d’Étude du Premier Degré (CEPD). Faute d’électricité dans le village, il ne peut réviser ses leçons les soirs, qu’en rechargeant de piles neuves, une fois par semaine, la torche que son père lui a achetée. Il lui faut donc, pour ce faire, aller au champ, couper du bois dans la forêt et le revendre au plus offrant. Son histoire est identique à celle de nombreux écoliers en classe d’examen de ce petit village d’un peu plus de deux cents âmes , situé à plus de 50km de Lomé la capitale du Togo.
Les torches n’ont pas suffit pour rehausser leur niveau
Le village d’Agbetim ne dispose que d’une seule école primaire. Dans cette école, les résultats à l’examen du Certificat d’Étude du Premier Degré n’ont jamais franchi la barre des 25 %, selon Akouete Touma, Directeur de ladite école depuis sa création. Pour changer la donne, ses collaborateurs et lui ont mis en place une stratégie : « Nous nous sommes dits que les enfants ne révisaient pas leurs cours après les classes. C’est ainsi que nous avons convoqué tous les parents. Et leur avons demandé d’acheter des torches aux enfants ou des lampes pour réviser leurs cours le soir », explique monsieur Jacques Bolouvi enseignant du Cours Moyen 2ème année (CM2). « Mais après deux ans, le bilan est toujours mitigé. En 2014, sur 20 élèves présentés, seuls quatre(4) ont été admis. L’année qui a suivi, seuls 6 ont été admis sur les 22 candidats présentés» poursuit-il tout inquiet.
La méthode n’a, en effet, pas marché, puisque les parents d’élèves étant pour la plupart analphabètes, n’ont pas pu encadrer leurs enfants à la maison au cours des révisions. « Suite à ces échecs, plusieurs parents ont simplement retiré leurs enfants de l’école.» renchérit Jacques Bolouvi.
Les aînés montrent la voie
Il fallait plus que des torches pour booster les résultats scolaires des apprenants du village d’Agbetim. Ses habitants n’avaient jamais vu de l’électricité publique. Mais depuis septembre 2016, trône au centre du village un lampadaire fonctionnant à l’énergie solaire. Doté d’une puissance de 145 watts, son installation a été rendue possible grâce aux efforts conjugués du jeune Franco Dolagbenou, natif du milieu et de ses camarades d’université. «Je n’ai pas grandi au village. Mais à chaque fois que j’ai eu l’occasion de m’y rendre, j’ai toujours été consterné par les conditions d’études de ces élèves», raconte-t-il. Il ne s’est donc pas fait prier pour mettre son savoir-faire au profit des siens.
«Nous pensons ainsi, avec ce projet, augmenter le taux de scolarisation des enfants, et réduire le nombre des grossesses précoces chez les écolières du village» poursuit-il avec assurance.
Ce jeune informaticien de 28 ans, est l’un des lauréats des « initiatives climat 2016 », pour son engagement en faveur de la protection de l’environnement au Togo. Après la première phase qui a permis l’installation du lampadaire, il a procédé aussi, à l’électrification du principal bâtiment scolaire dudit village grâce à l’énergie solaire.
Les énergies renouvelables pour lutter contre la pauvreté en zone rurale
Cela fait plusieurs années que Togbui DOSSOU, 51ans, regarde l’avenir des élèves de son village avec inquiétude. Il s’est vite rendu compte, pour avoir visité à plusieurs reprises la capitale Lomé, que ces derniers avaient moins de chance de réussir dans les études. «Un enfant instruit a plus de chance de trouver un emploi et d’aider par la suite les autres membres de la famille à sortir de la pauvreté.» Explique-t-il.
Le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sur l’importance de l’éducation dans la lutte contre la pauvreté, va dans le même sens : «L’éducation est une des conditions essentielles à la réduction de la pauvreté ».
La situation est alarmante sur le terrain vu que 71,6% des populations rurales utilisent la lampe torche pour s’éclairer selon la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale.
Les résultats sont au rendez-vous
Depuis l’installation de panneaux solaires dans le village, la vie des apprenants a considérablement changé. Les élèves peuvent désormais prendre part aux cours de répétition, initiés par leurs enseignants dans leurs classes aujourd’hui éclairées grâce l’énergie solaire. «Le niveau de nos élèves a nettement été amélioré. Nous sommes persuadés que les résultats du certificat d’étude du premier degré de cette année seront meilleurs », raconte Jacques Bolouvi
Côté apprenants, c’est également la satisfaction. Jean koutoglo, rencontré quelques mois plus tard à la fontaine publique du village, n’en revient toujours pas. Il n’a plus, en plus des travaux domestiques, à effectuer les pénibles activités de ramassage de bois.
« Je ne vais plus couper le bois en brousse. J’ai plus de temps pour me reposer et étudier mes leçons» explique-t-il tout sourire. Cette année sera peut-être la bonne pour lui. S’il réussit en juin prochain à l’examen du certificat d’étude du premier degré, il pourra ainsi poursuivre ses études et réaliser son rêve de devenir médecin. Une chance que n’ont souvent pas plusieurs jeunes écoliers en zone rurale.
Daniel Addeh